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05/06/2011

Medley - voyage au pays de Candide

Je n’ai jamais aimé les hommes providentiels, ceux par qui la résolution de nos problèmes arriveraient, ceux qui seraient les hérauts par lesquels nos idées seraient enfin représentées… Je dis hommes car ils ont rarement été des femmes.
Je résiste à cela, ainsi qu’aux génies, aux messies, aux envoyés trompeurs quels qu’ils soient.
L’affaire DSK devrait pousser la classe politique française à plus d’humilité.

Mais que sommes-nous donc devenus et comment démêler le présent ? L’époque actuelle est difficile à déchiffrer car l’on ne distingue pas ce qui relève du futile, de la distraction ou du fait-divers et ce qui relève de l’événement qui changera le monde. Le brouhaha est immense.

Une démocratie libérale n’existe pas vraiment. Le libéralisme a tendance à devenir une idéologie : économique il aboutit au monopole et aux privilèges, individuel il conduit à la bêtise.
Il existe un film très curieux, pochade pas vraiment aboutie mais qui laisse des traces dans la mémoire de ses spectateurs : Idiocracy de Mike Judge (E.U., 2007).
Joe Bauers est un soldat américain mis en hibernation lors d’un programme sensé économiser les forces humaines en dehors des conflits. Le programme est abandonné et les deux caissons contenant les cobayes (l’autre est occupé par une prostituée) sont abandonnés dans une décharge. Les deux humains se réveillent 500 ans plus tard dans un monde où le QI humain a spectaculairement baissé par suite d’un « schéma de sélection naturelle inversé » ayant réduit toute potentialité intellectuelle et de libre-arbitre. Les habitants, tous en surpoids, illettrés et incultes, vivent devant leur télévision ou sur le siège de leurs toilettes en sirotant des breuvages industriels. Ils sont identifiés par un code-barre sur leur poignet et n’ont qu’un slogan : I like Money, tandis que de gros monopoles industriels travaillent à la satisfaction de leurs besoins. Les ordures s’accumulent en tas de plusieurs centaines de mètres de hauteur, provoquant régulièrement de grandes avalanches. Le plus grand problème est la désertification des sols, pourtant arrosés abondamment avec des boissons énergisantes pour d’apparentes raisons de rentabilité.
Joe Bauers devient l’ « homme le plus intelligent du monde » et les autorités (le Président américain, sorte de rappeur gangsta) le chargent de trouver en une semaine « pourquoi les plantes ne poussent plus ».

C’est un cauchemar poussant à leur limite les excès du rêve américain (devenu le rêve mondial ?), une dérive néo-libérale pour laquelle la pensée est le plus grand ennemi, la satisfaction immédiate du désir étant la règle. Paradoxe, si l’on y pense, de la démocratie américaine dont la devise est In God We Trust !

La France est un pays laïque. Cela n’a l’air de rien, mais ce fut une construction lente, une histoire dont il faut garder le souvenir, une liberté qui nous appartient. La gouvernance de ce pays, aujourd’hui, devrait devenir raisonnable : pas d’homme providentiel, quelqu’un de normal, enfin, qui nous représente. Pas non plus de hurleuse qui trompe son monde.

Je reviens souvent à Joseph Delteil (1894-1978), après avoir lu à 18 ans Sur le fleuve Amour et Choléra.
J’y reviens régulièrement, avec « ses défauts immenses et ses qualités catastrophiques » (J.D. Maublanc, 1933). Cet écrivain est dans mon petit Panthéon personnel, il y occupe une place de choix et je dialogue avec ses livres, tantôt émerveillé, tantôt irrité : humeurs changeantes, plutôt passionnées (quand on aime vraiment !). Ses livres sont difficiles à trouver, tous ne sont pas réédités. Les derniers lus : Les cinq sens (1924 - histoire épique : une maladie contagieuse décime l’humanité, les survivants s’embarquent pour le Pôle Nord), La Fayette (1928 - biographie fantaisiste du grand homme, dont Delteil aurait pu dire : La Fayette, c’est moi !), Les Chats de Paris (ode sensuelle à Paris découvert par le jeune Delteil en 1926, poète provincial, libre et occitan).
Voici son anticipation du Paris de l’an 2000 (Les Chats de Paris):

Peu à peu , la science a remplacé les membres de l’homme. Les voyages, les affaires, l’art : tout se fait par sans-fil ; y compris l’amour. On a supprimé la matière, la présence physique. Des jardins suspendus sont érigés au centre de Paris, avec des points culminants de 3 000 mètres. La Nature n’est pas là-bas, mais là-haut. La verticale a vaincu l’horizontale. Les sens de l’homme, devenus inutiles, s’atrophient. L’homme ne marche plus ; plus de jambes. Il ne travaille plus ; plus de bras. Il ne rêve plus ; plus de cœur. Seul le cerveau continue à fonctionner, énorme, phénoménal. Il a envahi les reins, comblé les tripes, coulé jusqu’aux talons. L’homme n’est plus qu’un cerveau, immobile, insensible, précieusement clos dans une sorte de cercueil. La civilisation a fait son œuvre. La créature a bouffé son créateur. L’esprit anéanti le corps.

Voici la troisième d’une série de six émissions sur Joseph Delteil, répondant en 1974 aux questions de Jean-Marie Drot pour Les Archives du XXème siècle (toutes en consultation libre sur le site de l’INA) : http://www.ina.fr/video/CPF86632067/joseph-delteil-3eme-e...

20/02/2011

Jean-Marie Drot

Qu’est-ce que la télévision est devenue, au regard de ce qu’elle a produit depuis son gros demi-siècle d’existence ? Le PAF aujourd’hui, quel malheur ! Divertissement à tout prix ! Une sorte de circuit fermé où les animateurs, d’une chaîne à l’autre, s’invitent les uns les autres dans leurs émissions, pour se forcer à rire (un public qui applaudit aux ordres), l’envahissement d’une novlangue (people-isation, stand up, star-bidule…), la peur de faire adulte ! C’est vraiment à pleurer de voir dans quelle moulinette nous sommes tombés (ah, regret d’une autre moulinette, celle de Jean-Christophe Averty !)

Tout n’est pas à jeter, il existe des émissions, fictions, magazines de qualité qui relèvent le niveau, mais dans la cacophonie des rires et applaudissements forcés, dans les calculs d’audimat, ils ne pèsent pas lourd. Cela me fait l’effet de devoir s’orienter dans un train fantôme, aspiré à droite à gauche par les éructations, visions colorées, toiles d’araignées, pour trouver enfin un peu de lumière. Ou alors tel un petit Poucet perdu dans la forêt, la grande difficulté étant de retrouver son chemin. Ces quelques images pour exprimer que dans le flux continu des médias télévisés ont disparu deux choses qui auraient pu devenir fondamentales d’une télévision publique : le temps et la pédagogie.
Le temps pris pour exposer et montrer en profondeur.
La pédagogie pour penser à tous les publics : non pas plaire à tout prix, mais enseigner (sans refuser un sentiment qui est aujourd’hui devenu tabou : l’admiration –qui n’est pas joie collective-). Pas besoin forcément de professeurs, mais de gens qui sont des passeurs.

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Jean-Marie Drot, 13 février 2011

Savez-vous ce qui dort dans les caves de l’Institut National de l’Audiovisuel ? Pas seulement les archives (toujours les mêmes) alimentant les « gafferies » des enfants de la télé ou celles illustrant les émissions historiques ou politiques.
Oui, dorment à l’INA les émissions littéraires de Pierre Dumayet ou celles sur l’art de Jean-Marie Drot, c’est-à-dire des heures de rencontres avec Louis Aragon, Michel Butor ou Roland Barthes, des déambulations avec Jean Cocteau, Alberto Giaccometti, Marcel Duchamp ou Man Ray. Autant de trésors d’intelligence et de partage qui sont des œuvres en elles-mêmes et dont je plaide l’existence intégrale. Il existe à la télévision la rediffusion de films de cinéma : proposons la rediffusion d’émissions de télévisions, traitées comme des œuvres, proposées dans leur intégralité et non comme archives dans lesquelles les émissions futures vont puiser à leur guise.

Jean-Marie Drot était de passage à Metz le 13 février : il a présenté avec émotion, devant une salle comble, trois de ses films de la série L’Art et les hommes, réalisés en 1958 et 1959 : A la recherche de Jacques Villon, L’œuvre gravée de Jacques Villon et Un dimanche à Vence avec Marc Chagall. Trois portraits chaleureux d’artistes dans lesquels on peut les voir au travail et s’exprimer sur leurs œuvres en cours de création (ce qui intéressait particulièrement les messins puisqu’il était question des vitraux que Villon a réalisés pour la cathédrale de Metz en 1957).
Cette série, L’Art et les hommes, contient plus de 80 films tournés avec les plus grands artistes de l’époque entre 1955 et le milieu des années 80.
Il y a urgence à reconnaître le travail de réalisateurs comme Jean-Marie Drot et qu’ils soient réinscrits dans le flux de la télévision publique de notre pays, oublieuse jusqu’ici de ses attaches et de sa propre culture.

22/12/2010

Plongez au coeur du cinéma

Une publicité pour ces nouveaux instruments mobiles capables de vous mettre en relation avec le vaste monde, dans son entier.
Un couple domine la ville (rappel de Muholland Avenue qui domine Hollywood et Muholland Drive, le film de David Lynch?). Ce couple est plus absorbé par son nouveau « smartphone » que par le paysage. En effet l’appareil semble diffuser un film (on reconnaît l’acteur Russel Crowe dans le rôle de Robin des bois, sinon l’agrandissement de l’appareil, en bas de page, permet de le confirmer).
Le message est clair : le cinéma est à portée de main, le smartphone est merveilleux et vous transporte à travers l’espace et le temps, facilement, sans effort.
C’est mieux qu’au cinéma ! D’ailleurs « The End » s’affiche en lettres lumineuses dans le ciel. C’est la fin du film ? La fin du cinéma ? On ne va plus se faire ch…. à se déplacer, à trouver une place pour se garer, à patienter dans la file !
Tout est à portée de la main.
La cible ? Jeunes gens, joyeux Noël, n’allez plus au cinéma, il vient à vous.
Bon, j’arrête de faire le vieux ronchon. La technologie, c’est formidable. La preuve ? Elle me permet d’envoyer mes notes sur la toile, comme un gamin qui lance des avions en papier.
Mais quand même…

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