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26/12/2010

Mélancolie 2 ou Les Trois Grâces

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Lui : Ah, te revoilà !
Elle : Chut, pas si fort…
Lui : Mais pourquoi ? Tu te caches ? C’est autrement plus contemporain, cette nudité ! Tu n’es plus seule, qui sont ces demoiselles ?
Elle : Mes sœurs, les princesses de Saxe.
Lui : Mélancolie, je te trouve très gracieuse, mais tu pourrais sourire un peu !
Elle : Ne m’appelle pas Mélancolie.
Lui : Comment alors ? Sybilla, Sidonia, Emilia ?
Elle : Je te laisse choisir, il y a si longtemps… Sybilla, peut-être…
Lui : Tu m’as fait attendre. Presque cinq cents ans cachée dans des collections privées ! Mais maintenant tu m’appartiens un peu, non ? Tu vas être au Louvre, tu te rends compte !
Elle : Oui, mais je préférais rester inconnue.
Lui : Quelle délicatesse, quelle sensualité… et ce voile léger, ces bijoux, ces coiffures, ces positions des corps, ces mouvements des mains…
Elle : Je me souviens…
Lui : Et ce fond noir sur lequel vos corps se détachent… et ce sol granuleux, pierreux, Saturne ou Jupiter? Quelle composition !
Elle : la Lune… tu rêves toujours !
Lui : La Lune ? Ah bon ! Alors, d’où venez-vous ? Je vous trouve bien détendues. Vous me faites l’effet de… enfin… c’est plutôt après l’amour qu’avant, non ?
Elle : Pauvre imbécile de spectateur du XXIème siècle, tu ne comprends donc rien !
Lui : Pardonne-moi, vous me faites un effet si étrange. Toi, tu es différente. Tes cheveux par exemple : toi seule les as défaits, ils tombent délicatement, sans ordre. Tu n’es pas apprêtée comme tes sœurs.
Elle : Je ne me souviens plus pourquoi Lucas m’a faite comme cela.
Lui : Coquine !
Elle : Tais-toi donc. Quelle banalité !
Lui : Il t’a peinte sur différents tableaux, non?les trois grâces2-détail.jpg
Elle : J’étais princesse, il avait besoin de protection, il flattait notre père…. Et puis comment peux-tu dire que c’est moi ? J’étais un idéal de beauté, à cette époque.
Lui : On ne me la fait pas ! C’est visible qu’il t’a peinte, toi, comme aucune autre. Chaque fois il y a un détail, un appel, quelque chose qui te distingue. Regarde bien : la couronne dans Mélancolie, tes cheveux défaits dans Les trois grâces… Que sais-je encore ? Regarde encore.
Elle : Comment veux-tu que je me regarde ? C’est toi le spectateur ! Tu interprètes trop, sois sérieux, tu n’as qu’à lire les livres, tu n’es qu’un amateur!
Lui : Tu me déçois. Je croyais que tu t’adressais à moi !mélancolie-détail.jpg
Elle : Oui, bien à toi, mais aussi à tous. Mon image circule à présent, que de choses vont être dîtes sur mes sœurs et moi, dans toutes les langues ! J’ai l’impression d’être jetée en pâture.
Lui : Il faudra s’y faire, tu es au XXIème siècle.
Elle : Comme je préférais autrefois ! Le propriétaire du tableau me gardait pour lui et quelques autres. Et puis j’ai été vendue, achetée, revendue, rachetée. Aujourd’hui cela me donne le tournis.
Lui : Ma pauvre Sybilla!
Elle : Je ne veux pas trop te décevoir, mais je ne me sens pas t’être destinée. Va plutôt revoir Mélancolie au Musée de Colmar ! C’est plus tranquille, tu pourras prendre le temps de la revoir, elle te va mieux.
Lui : Mais c’est toi aussi !
Elle : Qui sait ! Laisse-moi à présent, je sens que je vais m’habituer à être vue…

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Les Trois Grâces (1531) par Lucas Cranach l'Ancien
5000 donateurs, âgés de 8 à 96 ans, ont apporté le million d'euros nécessaire pour compléter l'acquisition de ce tableau vendu au Musée du Louvre pour 4 millions d'euros. Il sera présenté au public début mars 2011.